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Diner à New-York, un guide intime, par Rian James (1899-1953)

Translated from English to French


AVANT-PROPOS


Quand l’auteur découvre que ce livre est véritablement nécessaire.


Lorsque le gentleman aux étiquettes de bagages toutes neuves, à peine rentré « d’avoir vu le monde en trente-deux jours (Tour 737) », lève les yeux au ciel avec regret et remet au goût du jour la rengaine qui commence par : « Ah, à Paris, on dîne vraiment. A New York on mange vraiment ... » il ne reste que deux choses à faire. Vous pouvez lui tirer dessus, si la chasse est ouverte, ou bien, vous pouvez écrire un livre.


Après avoir laissé notre abonnement au gros gibier expirer, nous votions pour l’écriture d’un livre. Car après tout, on dîne à New-York aussi, pourvu que l’on connaisse de bonnes adresses. Et si l’on ne mange pas de façon aussi bruyante à Paris qu’à New-York, on a besoin de manger avec tout autant de goût. Car dans cette ville, le bruit n’est pas un critère d’appréciation culinaire. Un simple claquement de langue ici vous colle une étiquette, pas celle d’un gourmet, mais celle d’un bas-front qui doit passer au moins quinze minutes par jour dans un fauteuil rembourré avec un ouvrage d’Ana Gavalda.


Nous voulons qu’aucun des visiteurs de passage ne rentre chez lui avec en tête l’idée que New-York ou sa composante principale Manhattan (nommée par les Indiens Manna-ha-ta, ou lieu d’ébriété), n’est qu’un assemblage de vendeurs de sandwichs B.&G., de cafétérias Thompson One-Arn, de Coffee pots et de Blue Kitchens ! Et de plus, nous ne souhaitons pas que vous, qui vivez ici à New-York, le pensiez également.


Car dans cette même ville, nous nous sommes assis dans un petit restaurant indien et avons regardé un serveur parsi aux longs cheveux verser du vin de feuille de rose dans un petit verre, alors qu’un orchestre indigène faisait vibrer sa « Stein song » sur d’énormes instruments à une corde, et produisait un battement saccadé à l’allure d’un doux staccato. Nous avons mangé du caviar Beluga accompagné de guitares gitanes dans une cave de l’East Side, et par-delà une façade en mince pierres marrons, nous avons posé nos regards sur un grand arménien à la peau brune dévorant un festin de shish-kebab et takla-gam.


Nous avons mangé des crevettes et de l’ananas dans un minuscule restaurant chinois, pendant qu’un garçon y lisait Keats à voix haute devant une cheminée ; et au cœur du secteur des théâtres, nous avons mangé les frijoles, chilis mexicains et tarnales les plus goûtus de ce côté de Juarez, ou San Antonio, au moins.


Nous nous sommes vautrés dans le smörgåsbord suédois, des tables en étaient recouvertes, et nous l’avons fait glisser avec une bière indigène parfaitement légale et des plus délicieuses ; et nous vous mettons au défi de trouver dans toute la France de meilleures crêpes Suzette que celles de Greenwich Village !


Dans les coins et recoins de Manhattan nous avons mangé des palourdes alciennes, des moules marinières, de la bouillabaisse, oui, de la bouillabaisse qui ferait saliver Prunier de Paris ; et nous avons mangé de la choucroute, des knödels de pommes de terre amenées par un serveur en short et chapeau tyroliens que la Bavière ne saurait mieux vanter.


Nous avons bu du tamarin, servi par un serveur hindou qui louchait à Fez. Nous avons mangé de la vrai sole anglaise dans le poêlon d’un ancien Chef de sa Majesté, et du strudel à la pomme de ceux que vous ne trouveriez pas à travers tout le Unter den Linden !


Nous avons mangé du poulet au paprika et du choux avec Mohn dans une maison d’un petit quartier tchécoslovaque, et du goulash dans un quartier où ils n’ont jamais entendu parler d’un sandwich toasté à trois étages. Et dans le quartier juif roumain nous avons goûté du raifort, du foie d’oie fumé, et du gefältefish, tandis que des femmes dodues aux dents dorées, tourbillonnaient dans des mouvements complexes sur du Kazatzka.


Nous avons mangé du hareng séché, cru, dans une réplique toute petite de la Scandinavie ; nous nous sommes émerveillés des escalopines, courgettes et sabayons dans la petite Italie de Manhattan, et avons trouvé les tentacules de la pieuvre en ordre et gouteuses dans le quartier espagnol.


Nous avons regardé un pied tendre japonais cuisiner du bœuf Sukiyaki à la commande, à notre table ; et le Rae et Boer noir qui vous rendait fou à Paris, abonde dans la petite France disséminée de Manhattan. Nous avons mangé de l’edam centenaire et une tarte au fromage divine dans l’ombre du plus formidable des gratte-ciels de New-York, du riz au poulet dans le Greenwich Village, et des currys plus chauds qu’un final de Joséphine Baker, dans un restaurant détenu par un australien et géré par un ancien ambassadeur.


En bref, nous avons mangé à la manière syrienne, hollandaise, italienne et mongole ; bu les vins des serbes, des parsis et des français, pour n’en nommer que certains, et lorsque nous nous arrêtons un instant et pensons au fait que New-York est jugée quotidiennement à ses automates et cafeterias « self-service » qui efficaces, quoique non épicuriens, se multiplient dans les rues, nous pourrions nous effondrer en larmes. En réalité, c’est ce que nous venons de faire, sur l’épaule d’un serveur. Ce fut lors d’un de ces moments larmoyants que nous avons pensé à ce livre. Et voilà.


Et avant d’oublier, nous n’avons pas essayé d’inclure tous les restaurants de New-York, mais seulement ceux qui par leur cuisine supérieure, leur divertissement ou atmosphère, se distinguent haut la main et où l’on passe les meilleurs moments.


PS : Un gentleman à l’esprit mathématique, n’ayant eu rien de mieux à faire pendant les quatre derniers vendredis successifs, nous dit qu’il y a 18 763 restaurants à Manhattan seulement, ce qui lui laisse tout Brooklyn, le Queens, Richmond et le Bronx pour s’amuser et cela n’inclut pas les S.&J’s, les Meal-A-Minute’s, les Coffee Pots, les C.&Q’s et leur affilés. Vous trouverez ceux-ci proprement répertorié dans l’annuaire.



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